Dans notre société encore sauvage où la réussite tient à cœur –surtout chez les parents qui contaminent généralement leur progéniture de cet affection vasculaire– nombre d’entre nous s’interrogent sur ce qui distingue l’homme de la rue, du louzeur et du ouineur. Afin d’apporter un peu d’aide à ces gentilshommes, bien compréhensiblement égarés par les mutations incessantes d’un monde épileptique, qu’il me soit permis de jeter ici un peu de lumière à ma façon –c’est à dire dans un long chaos de parenthèses, de tirets et de virgules, mais toujours scientifiquement.

Le ouineur (ou « winner », de l’anglais « wiener ») est un mammifère bipède des régions hypercaloriques du globe. Social, il n’est pas toujours sociable. Il est présent de manière discontinue dans les grandes villes et sur les fronts de mer, dans des habitats généralement assez vastes et haut perchés. Sa femelle est la greluche, parfois la greluche à tête brune aussi appelée greluche-Bruni(e). Le petit du ouineur est appelé Jean-Charles, Kevin ou par la bonne quand c’est l’heure de manger. Son pelage varie selon les saisons. A cinquante ans tout au plus, il se pare d’une montre très lourde et tape-à-l’œil qui l’empêchera de flétrir et de s’étioler. Car, oui, le ouineur a la santé fragile.

Passée cette définition sommaire, l’anthropologue risque de s’égarer. Car le ouineur est très imprévisible dans ses formes. Ainsi, on serait tenté d’ajouter qu’il voyage généralement derrière le louzeur (ou looser du franglais loose-heure, celui qui aime ses heures perdues) qui le mène, ou sans lui mais alors dans un véhicule convertible aux nombreux cylindres. Cependant force est de constater que le procédé darwinien de l’évolution a mis à bas ce qui était encore, il y a peu, une caractéristique. Il y a par exemple de nos braves nouveaux jours, des ouineurs à turboréaction. Voilà qui est décontenançant pour l’observateur.
Les mêmes auront pu constater que le cri « bouche en cul de poule » qui a longtemps signé ses parades sociales, a été peu à peu remplacé par un anglais approximatif qui ponctue ses phrases faites d’un français lui-même de plus en plus approximatif.
Il faut donc procéder avec méthode pour, là, accepter de renoncer à caractériser le ouineur par ses modes migratoires et, ici, prendre le recul nécessaire pour, eurêka ! saisir enfin que le cri caractéristique de cet animal est le mépris.

Quant à ses modes sociaux, le ouineur en a de tout à fait surprenants. Les glandes bancaires situées dans son portefeuille sécrètent une phéromone appelée « pognon » (du grec « pandanlognon »). Celle-ci exerce une attraction considérable sur ses semblables des deux sexes. Pour cette raison, il n’est jamais seul pour céder à sa fantaisie, ce qu’il fait dans des lieux mondains et très couteux. En effet il ne lit jamais, regarde peu la télévision et préfère les spectacles de chiens savants.

A l’instar du chimpanzé et du percuteur de 367 magnum, le ouineur ne croit pas en dieu ou alors c’est qu’il se confond avec. Il porte certes une croyance magique envers le pognon qu’il pense capable de générer le bonheur, mais sans même espérer l’emporter au paradis ; la Nature est bien faite. Au demeurant, à l’approche du moment où, justement, il saura très vite si oui ou non il est une vie après la vie, les glandes bancaires du ouineur se racornissent et n’ont plus guère d’effet. Pour cela il trépasse souvent seul ou mal entouré. Cet effet peut néanmoins rester spectaculaire sur la progéniture ou la femelle qui en eux pourront continuer à en profiter après le trépas au moyen d’un rite nécrophage bien connu et généralement imposé autour des 50% –cela dépend beaucoup des compétences de l’avocat fiscaliste, un autre mammifère passionnant avec lequel il vit en symbiose.

Pourquoi cette quête frénétique de la ouine ? Là, l’anthropologue le cède au biologiste. Une fois encore c’est chez Darwin qu’on cherche la réponse : c’est sans aucun doute l’évolution qui a conditionné un singe plus coriace que les autres, à vouloir s’élever aux dépens de ses semblables lorsque c’était utile. Le mépris préserve du scrupule. Or, dans les économies de subsistance le scrupule peut préserver de la faim voire de la fin. Et ce même conditionnement darwinien fait crever son monde de sinistrose, de solitude, de dépression et de cynisme, à l’instar du réflexe mal dosé qui en pousse d’autres à se gaver bien après la satiété. C’est l’anthropophage de Gainsbourg qui tapi dans notre œsophage se met dans la tête de nous empoisonner, c’est l’enfant égotiste qui crie de peur dans l’effrayante obscurité d’un monde sans soleil.

C’est ainsi qu’une senteur de sapin semble nager autour de la Bettencourt que ses glandes bancaires abandonne et pendant ce temps là, aux États-Unis d’Amérique, des enfants meurent des balles qui les protègent de la tyrannie du roi d’Angleterre.