Le génie occidental ne cesse de produire les débats échaudés qui détournent l’esprit humain des choses futiles et malsaines telles que le sexe opposé, le malheur des parents seuls ou les joies gratuites d’un moment de complicité silencieuse entre copains. Ainsi, il le hisse au niveau des choses essentielles : Pourquoi Domenech a-t-il emmené en Afrique une équipe de sales gosses démotivés ? Pourquoi la Boutin déboutée et dégoutée d’avoir été boutée hors de ses mandats nous fait un bout d’boudin ? A quoi ressemblent les vacances des stars qui chantent mal ou nous emmerdent dans des scénarii téléphonés ? Comment les aspirateurs Dyson peuvent-ils sérieusement garder si longtemps leur force d’aspiration ? Zahia Dehar pourra-t-elle en dire autant ?
Ah, j’oubliais le prix du Super-sans-plomb 95, sujet le plus essentiel qui soit depuis la suppression du Super-plombé.*

Mais ces justes sujets de méditations profondes sédimentent les uns sur les autres -et dit comme ça ils nous rappellent un peu les choses futiles susdites- sans qu’aucune réponse ait pu être apportée au précédent et ainsi de suite. Ainsi va la culture, mais toujours reste dans l’abîme la terrible vérité de l’ici-bas -non pas si bas enfin, vous me gênez !
Aussi ai-je décidé d’apporter au monde ma modeste contribution à l’inéluctable avancée du genre humain sur les voies de la sagesse. Inéluctable comme l’ont démontré la rationalisation croissante des débats politiques, la pacification grandissante des mœurs religieuses un peu partout dans le monde et la victoire de l’Allemagne à l’eurovision. Et j’ai décidé de le faire en rouvrant un de ces débats injustement oubliés qui en sédimentant ont composé le limon fertile de la grandeur culturelle de l’Occident : les femmes ont-elles une âme ? Et qu’on ne me dise pas que le synode de Mâcon de 585 a réglé la question des siècles avant qu’on ne brûle les dernières sorcières outre-atlantique. De surcroît comment ne pas mettre en doute la parole de gens qui vénèrent la virginité ? Je suis réserve et je dis « beurk » !

Alors, oui, je sais, les féministes anthropophages (il paraît que le Dr Van Helsing s’intéressait de près au cas de Mme Alonso avant que le maître chansonnier ne lui lime les ratiches) ne vont faire qu’un bond avant de me taxer de tout un tas d’injures discréditantes et expéditives qui me feront passer pour un monstre imbécile et pitécanthrope**. Mais n’y voyez aucune discrimination. Non, car voyez-vous, je me suis longtemps posé la même question pour l’homme, notamment lorsque j’ai appris ce que le nazisme a fait aux juifs et l’alcool à Serge Gainsbourg -sans parler du cancer à mon très cher Desproges.
Si j’ai un jour cessé de m’interroger ce n’est pas par machisme. Ni par orgueil masculin -oui je suis doté d’un pénis. Ni même au nom d’une quelconque fraternité masculine (en réalité souvent bien plus difficile à établir dans ses prémices que l’accouplement dans ses développements). Non, si je suis aujourd’hui rassuré à ce sujet, c’est que, comme presque tout un chacun, j’ai vu des hommes pleurer en 98 lorsque l’arbitre a donné le coup de sifflet final et scellé enfin la victoire des bleus.
Voila, du coup l’incident est clos et on peut oublier les horreurs dont je parlais pour en revenir à notre sujet.

Procédons rationnellement en commençant par délimiter notre sujet.
Pour la femme c’est facile, elle a des limites bien définies : 1. l’épiderme qui sépare sa chaire adorable du reste du monde (en cas de pudeur ou de timidité un vêtement occultant ou une bombe lacrymogène peuvent également remplir cette fonction); 2. sa patience devant une lunette de toilette relevée qui délimite la cohabitation viable de la relation sans avenir; 3. son amour des âmes d’enfant et son dégoût des immatures qui remplissent les mêmes fonctions que la lunette de WC mais dans une perspective plus sentimentale.
Pour l’âme c’est plus coton, et je suis tenté de me tourner vers wikipedia qui nous dit que l’âme est définie par certains courants religieux comme « principe vital, immanent ou transcendant, de toute entité douée de vie, pour autant que ce principe puisse être distingué de la vie-même ». Ils n’ont pas encore inventé wikipedia pour les cons et j’en suis vexé car la suite s’annonce difficile alors que je n’ai pas encore la moindre idée de la manière dont je vais boucler cet article.
Bref. Grâce à ce procédé méthodique nous pouvons au moins poursuivre sans risquer un malentendu tant on voit bien désormais que ce qu’on appellera ici une femme n’est pas un homme ou un fer à repasser, ni l’âme un extrait de rock « emo » qui, lui, n’a rien de vital ni de transcendant.

L’analogie a ses limites et il serait hâtif de conclure que la femme n’a pas d’âme parce qu’elle n’a pas pleuré en 1998. A l’évidence, tout le monde ne pouvait pas ressentir instinctivement la terreur face à ce qui était pourtant devenu inévitable : on allait nous bassiner avec ça pendant des mois. D’ailleurs certains hommes n’ont pas pleuré, j’en ai même vu se passer la liesse autour du coup !

Oublions donc l’analogie pour lui préférer l’observation rigoureuse et scientifique.
Prenons plusieurs femelles. Un premier groupe aura par exemple décidé pour son bonheur un remède extrême en laissant libre cours à son extravagance et à son humour décapant dans un spectacle de nu « new burlesque », tout ça dans un voyage incessant ponctué de champagnes dégustés dans le hall d’hôtels plus ou moins accueillants. La femelle témoin aura quant à elle conspué d’ex-futur filles mères à la sortie d’un planning familial.
On observe donc et qu’observe-t-on ? Eh bien que les premières ont un net avantage sur la seconde. Que les sourires spontanés de leur fantaisie d’enfants mal dégrossies, leurs défauts assumés et hurlés à la face de qui les emmerde, leur imprévisibilité irresponsable, et d’une manière plus générale leur amour de soi et de la vie semblent leur donner une divinité bien plus consistante que la grenouille de bénitier qui tire sur les ambulances les gros boulets de leurs certitudes moralistes et prétendues paroles de Dieu.
On en déduit qu’il y a un rapport pattent entre la vie et l’existence d’une âme ce qui nous rapproche de la définition de wikipédia mais que cette âme la n’est jamais acquise à « toute entité douée de vie » et sans doute pas dès le départ, ce qui nous éloigne de wikipedia et donne une bonne raison supplémentaire de dire merde aux dites grenouilles. Du coup on ira voir « Tournée », le film magnifique, drôle et tendre de Mathieu Amalric.

Je propose donc d’en rester là et d’accorder à la femme le bénéfice du doute et ça pour tout un tas de bonnes raisons : parce que demain est un autre jour qui apportera son nouveau débat (par exemple, on pourra jaser sur la réussite de Marc Zuckerberg, créateur de facebook bientôt conspué dans un film à l’intérêt sans doute évident), par flagornerie intéressée, parce que demain je me lève très tôt, parce que comme je vous l’ai dit la définition de wikipedia (pas plus que celle du petit robert) ne m’ont beaucoup aidé pour boucler en beauté et surtout, surtout, surtout ! … parce que pendant ce temps là, aux États-Unis d’Amérique, des enfants meurent des balles qui les protègent de la tyrannie du roi d’Angleterre.

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* les lunettes 3D sont bien jolies mais l’urgence, la vraie, réside dans l’invention de verres correcteurs qui permettront à tout un chacun de distinguer les jeux de mot capilotractés ; la seule qui pourra me sortir de la solitude glacée où me maintient encore souvent mon humour ras-des-paquerettes.
**le pitécanthrope est un maillon de l’évolution qui mène du singe à l’homme sans emprunter les boulevards périphériques.

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